Ce livre étudie l’acclimatation, à Rome, du débat hellénistique sur les genres de vie et plus spécifiquement la conception de l’otium développée par Sénèque.
Quel est le rôle du philosophe dans la cité ? Comment celui que l’on appellerait aujourd’hui « l’intellectuel » remplit-il au mieux ses devoirs d’homme et de citoyen ? Est-ce en choisissant l’action, notamment politique, dans la sphère publique ? Est-ce plutôt en « contemplant », c’est-à-dire en se consacrant à la recherche et à l’écriture ? Ou encore en enseignant ? Ces questions sont centrales dans l’Antiquité. Présent dès Platon, le débat sur les genres de vie devient prégnant dans les philosophies hellénistiques et prend une tournure singulière à Rome, où les concepts grecs de praxis et de theoria rencontrent les notions d’otium et de negotium.
L’œuvre de Sénèque s’avère, sur cette question, tout à fait novatrice. Dans une approche qui mêle des enjeux philosophiques et culturels, mais aussi linguistiques et littéraires, le philosophe romain renouvelle à la fois le débat philosophique et la notion romaine d’otium, synonyme chez lui de retraite philosophique. Prolongeant les réflexions de Cicéron sur la légitimité de l’étude philosophique, mais poussant plus loin que ce dernier la promotion de la contemplation et précisant la posture sociale du philosophe, Sénèque est le premier penseur romain à construire une véritable éthique de l’otium. L’intérêt philosophique de l’œuvre sénéquienne se double d’un intérêt littéraire dans la mesure où l’écriture est une activité majeure du philosophe retiré dans l’otium. La réflexion de Sénèque sur l’activité intellectuelle du philosophe est aussi une réflexion littéraire sur la fonction et les modalités de l’écriture philosophique.